Après Lyon insolite et méconnu et Soul of Venise, c’est avec grand plaisir que j’accorde un nouvel article à une parution des éditions Jonglez. Cette fois-ci, elle est tirée de la collection des beaux livres. Chacun d’entre eux met à l’honneur des lieux tombés en disgrâce et sublimés par l’oeil d’un photographe. Les amateurs d’Urbex (exploration urbaine) seront donc ravis de découvrir dans cette collection des églises, mais aussi des cinémas abandonnés, des sites industriels délaissés à travers la France, l’Espagne et l’Italie et même la base de lancement de Baikonour.
Quatrième de couverture
Entre 2012 et 2020 Francis Meslet a photographié à travers l’Europe plusieurs centaines de lieux de culte oubliés. Ces endroits ont fait place au silence au fil du temps. On n’y entend plus guère que le bruissement du vent s’engouffrant par un vitrail brisé ou le rythme régulier d’une goutte d’eau qui perle au plafond d’une nef dévastée. Ces silences appellent pourtant de rares visiteurs. Dans cette église allemande, des prières étaient récitées en latin, dans ce collège catholique français, les cris d’enfants résonnaient au son de la cloche. Mais qui peut imaginer les sons enfouis derrière les murs de cette crypte au coeur de la montagne italienne ou dans le tombeau de cet ancien couvent au Portugal ?
Francis Meslet parcourt le monde à ses heures perdues, à la recherche de lieux en déshérence, sanctuaires sur lesquels le temps s’est arrêté après que l’homme en ait refermé les portes. Il en ramène des images saisissantes, capsules temporelles témoignant d‘un univers parallèle propice à l’évasion de l’esprit et à l’interrogation… Avec le plus grand respect pour les fidèles qui les ont fréquentés jadis, il nous propose une immersion dans ces lieux que la foi a déserté, à la recherche d’une lueur divine.
Mon avis
Lorsque l’on m’a proposé de chroniquer ce titre, c’est avec grand plaisir que j’ai accepté. J’aime photographier les lieux de cultes, les processions et autres traditions religieuses et j’apprécie cela d’autant plus lorsque l’Histoire les a un peu abimés. À plusieurs reprises ces dernières semaines lorsque je l’ai présenté dans mes lectures du C’est lundi que lisez-vous ?, certain d’entre vous m’ont fait part de leur curiosité vis à vis de cet ouvrage. Voici donc mon avis.
Dans ce beau livre de 224 pages paru en septembre 2020, Francis Meslet nous emmène donc en voyage à travers l’Europe, pour découvrir derrière son objectif 37 sites religieux abandonnés disséminés à travers l’Europe. Pour introduire chacune de ces merveilles oubliées, le photographe s’est entouré de Lilyane Beauquet, du blogueur Louvre-Ravioli, de Michel Cloup, Nicolas Hamm, Jean-Pierre Marchand, Christian Montesinos, historien spécialiste du symbolisme religieux, Samuel Nowakowski, Thierry Pernin, Sylvie Robic et Frédérique Villemur, spécialiste de l’art de la Renaissance.
Au fil des pages, on découvre des églises sans toits, d’autres dans lesquelles les araignées et leurs toiles ont remplacé les fidèles, une végétation qui reprend ses droits au point parfois de camoufler complètement les lieux pour un oeil non averti. Dans certaines d’entre elles, les chandelles n’ont pas fini de brûler et la table de la messe est encore prête, laissant le lecteur découvrir une atmosphère fantomatique. Dans d’autres, on découvre des fresques, des chapelles, des cloîtres et des cryptes qui au Moyen Âge ou à la Renaissance devaient être de véritables splendeurs signées par des maîtres de la peinture locale et qui sont aujourd’hui bardées de lézardes ou viennent se décroûter sur le sol. Et il y en a encore qui ont des airs d’entrepôts de mobilier religieux ou les prie-dieux côtoient le confessionnal ou des autels. La musique des orgues a fait place au silence et le murmure de la prière s’est tu pour laisser parler celui du vent.
Parfois, on a l’impression, en découvrant des chapelles dont les voûtes ne tiennent que par la force des étaies qui sont placées en-dessous que tout a vraiment été tenté pour sauvegarder ces morceaux de l’histoire locale. D’autres fois, on a l’impression que les lieux ont été abandonnés à la hâte, sans prendre la peine de sauver ce qui pouvait encore l’être pour le mettre à l’abri dans un musée. On découvre donc tout de même des statues, des crucifix, de magnifiques marbres ou des vitraux intacts, qui continuent de veiller sur les lieux. Malgré tout, quel que soit le lieu que nous propose de découvrir Francis Meslet, il règne dans ces pages une ambiance de solitude et de recueillement qui rend chacun d’entre eux presque mystérieux.
Chaque photo est accompagnée d’une légende, parfois humoristique, d’autres fois plus philosophique mais qui nous invite tout de même à réfléchir sur la fragilité des merveilles de notre patrimoine. L’ouvrage a reçu la Mention d’honneur à l’International Photography Awards.
Et vous ? Auriez-vous envie de pousser la porte de ces lieux abandonnés ?
À bientôt 😉