En route pour Cuba – ép. 4 : de La Havane à Remedios

Des kilomètres, un lieu mythique et une soirée improbable…

Voilà, ça y est on est prêt à quitter le presse citron de La Havane pour aller retrouver un peu de jus à Trinidad. La distance entre les deux villes n’est pas énorme, mais ce sont beaucoup de petites routes alors, l’équipe de Malecòn 663, nous a prévu une petite étape à Remedios avec en prime, un arrêt à Santa Clara pour saluer el Comandante.

Samedi 13 avril

Dernier petit déjeûner à Malecòn 663. On prend des forces pour cette longue journée de voiture, puis on salue G. qui n’a de cesse de bisouiller les garçons qui ne demandent pas mieux. Vers 10h00, la voiture arrive et on retrouve C. le chauffeur qui nous a conduit à Viñales et notre super voiture de ministre qui entre temps a pris un petit coup de jeune. À Cuba, les voitures sont certes des pièces de musée, mais à part leur carrosserie, certaines n’ont plus grand chose d’origine.

On quitte rapidement la ville pour la autopista nacional en direction de Santa Clara. Ce soir nous dormirons à Remedios, une petite ville de la province de Villa Clara à 3h00 de la capitale. C., toujours aux petits soins, recueille nos impressions sur La Havane, pas plus étonné que ça.

Avec wanderlustdad, ils débrieffent notre visite à Regla. Il nous parle de son orisha, Elegua, associé dans la Regla de Ocha à Saint Antoine de Padoue ou au Saint enfant d’Atocha, avec ses couleurs le rouge et le noir (mais pas comme chez Stendhal, n’est-ce pas ?), il protège le voyageur, celui qui est en chemin, il est le messager. Pour lui qui est toujours sur la route, ça tombe à pic. Peut être serait-il notre protecteur à nous aussi, la wanderlust family ? On est assez curieux de tout ça avec wanderlustdad, car la musique et la danse sont au centre des cérémonies religieuses, et ce sont elles qui ont donné naissance à la rumba et plus tard à la salsa. Alors, Elegua, Chango, Yemaya… nous on les a dans les oreilles depuis un bail et on est ravis de faire leur connaissance d’un peu plus prêt…

En recherchant, un bon vieux morceau de salsa dédié aux orishas sur youtube, pour t’illustrer mon propos, je viens de tomber sur ça… C’est un peu différent de ce que je cherchais mais c’est une pure merveille de douceur, une découverte à creuser et qui va très bien avec le climat de douceur qui règne dans la voiture pendant que les petits essaient de retrouver des formes dans les nuages, que l’on observe à perte de vue les champs de canne à sucre et que l’on s’arrête pour aider un autre taxi en panne sur le bord de la route.

Mais comme chez nous c’est un peu comme en boite, deux salles deux ambiance, je te laisse aussi avec l’un des morceaux chouchous de wanderlustdad, dans sa version vintage (laissons tomber celle de Marc Anthony, l’ex M. Jennifer Lopez…), Hector Lavoe et Willie Colon c’est quand même plus la classe !!!

Bon c’est pas tout ça, mais parler ça creuse un petit peu. On s’arrête au Ranchon Te Quedaras, un petit restaurant au bord de l’autoroute pour une pause pipi, casse croûte. C. nous fait goûter aux galetas caseras cubaines, de petits biscuits salés. C’est super bon !!! En fond sonore, un monsieur joue de la guitare. Sur le parking, un bus sans âge s’arrête, il est peut-être aussi vieux que les vieilles américaines que l’on a pu prendre comme taxi. C. nous dit que c’est un bus pour les cubains, une espèce de taxi collectif géant, sans clim, dont les gens sortent en agitant des éventails plus vite qu’Usein Bolt court un 100 mètres… On a beau être sur l’île depuis une semaine, mais j’ai encore beaucoup de mal à me faire à cette différence de statut entre touristes et locaux, et je pense que je ne m’y ferai pas du tout…

On reprend la route en direction de Santa Clara, car qui dit voyage à Cuba, dit aussi visite au Mémorial du Che. Que le personnage nous soit sympathique ou pas, il n’en reste pas moins ici une figure de la Révolution l’un des pères de la patrie avec Fidel Castro et Camillo Cienfuegos et plus de 50 ans, le mythe reste entier. L’icône de la photo d’Alberto Korda est omniprésente, et en fait l’un des souvenirs à ramener de l’île. L’arrêt devant le mémorial sera bref, wanderlustminischtroumpf dort et wanderlustgrandschtroumpf s’en bat le derrière de l’oreille avec une chaussette… Ils sont encore un peu petits pour s’intéresser à tout ça, même si ils nous questionnent fréquemment sur ces messieurs dont on retrouve le portait partout. Il fait très chaud lorsque l’on sort de la voiture.

Le Mémorial impressionne, par son architecture brute, ses bas-reliefs et sa monumentale statue du Che. Hommage y est rendu aux morts de la bataille de Santa Clara, tournant de la révolution. À ce moment là, le Che n’est déjà plus le médecin idéaliste qui traversait l’Amérique Latine à bord de la Poderosa dont j’admirais adolescente les Carnets de voyage (et la version cinématographique avec Gael Garcia Bernal) mais il n’est pas encore le boucher de la Cabaña. Certains trouvent que les dernières photos du Che après sa mort en Bolivie, lui donnent un air de Christ. Une chose est sure, ici on en a fait un saint. Ici, pas une trace du côté obscur du personnage, comme dirait l’autre ici il ne reste que la clarté… On remonte dans la voiture et on reprend la route en direction de Remedios ¡ Hasta Siempre Comandante !

La route vers Remedios devient moins fréquentée. Il faut dire que la ville n’est pas bien grande et que la période des Parrandas, fin décembre, qui lui valent sa renommée est terminée depuis longtemps et les fêtes de la Saint Jean ne sont qu’au mois de juin. Nous sommes donc en pleine période creuse. Nous découvrons donc une petite ville tranquille, à l’architecture coloniale, avec sa grand place, son église, ses arcades. Je suis franchement désolée pour la luminosité des photos qui est vraiment toute pourrite, comme dirait mon fils, mais tu la vois la belle averse tropicale qui se prépare ?

Cette ville, elle me donne l’impression de débarquer dans un décor de cinéma, un décor de western des années 50. On pourrait s’attendre à voir Zorro surgir sur son cheval à chaque coin de rue. Dans les ruelles, les joueurs de dominos ont sorti des tables et les voix montent… Les rues de Remedios ont des accents de partie de cartes de Pagnol, l’histoire est toujours la même où que l’on se trouve. Quand on joue, c’est du sérieux…

Le tour de cette charmante ville est tout de même vite fait, d’autant qu’il commence à pleuvoir. Comme à Cayo Levisa, lorsqu’il se met à pleuvoir, ce n’est pas pour rire. La gardienne de la Casa de la Cultura nous propose de venir nous abriter à l’intérieur. A. est une toute petite dame d’une cinquantaine d’année pleine d’énergie et toute dévouée à son travail. Elle nous fait visiter le bâtiment et nous présente les activités qui s’y conduisent, tout ce qui s’y fait pour les enfants, elles nous montre les photos des spectacles et les réalisations des petits et des grands. Il nous viendrait difficilement à l’idée de pousser spontanément la porte de l’un de ces établissements, qui ressemble à nos MJC et pourtant, la visite, bien entendu, tout en espagnol est très riche culturellement. D’autant qu’elle nous offre une alternative à la soirée que nous imaginions déjà assez morne, coincés par le mauvais temps dans la chambre de notre casa. Ce soir à la casa de Cultura, se tient un concert de musique traditionnelle… Ça ne coûte de revenir voir plus tard.

En attendant, on rentre donc à la casa qui va nous héberger pour la nuit. On est assez loin des atmosphères cosy et agréables que l’on a connu au début du séjour. Je continue ma métaphore cinématographique ici, point de Zorro mais un décor de telenovela kitsch à souhait avec une hôtesse qui vous sert une soupe à la grimace en guise de bienvenue. Pas besoin de lui faire de la mauvaise pub en affichant le nom de l’établissement, des casas à Remedios y en a pas 36 et il n’y en a qu’une où les avis comparent la patronne à Soeur Sourire… On fait assez peu cas des commentaires quand on va sur tripadvisor d’ordinaire mais là, force est de constater que l’on se retrouve face à une matronne échappée des Feux de l’amour, toute fière de montrer toute sa collection d’argenterie et de vaisselle… Quand wanderlustdad, toujours prems à mettre les pieds dans le plat, lui a demandé si l’entrée était un musée, elle a failli le mordre… D’autant plus qu’on l’a achevée en lui disant que l’on préfèrerait manger dehors et pas dans son salon XVIIIè. Tu parles avec nos deux bébés éléphants je n’aurai pas donné cher de son magasin de porcelaine. J’aurais passé tout le repas en apnée. On sort donc manger des sandwichs sur la place et boire un petit coup à la Taberna de los 7 Juanes en attendant l’heure du concert…

A. nous a gardé des places tout devant, elle est vraiment trop chou. Nous, on lui a ramené tout le matériel scolaire que l’on avait amené dans notre valise dans l’hypothèse où l’on irait visiter une école. Avec elle, il sera entre de bonnes mains. Si pendant votre séjour à Cuba vous avez l’occasion de passer par Remedios, n’hésitez pas une seconde à aller la voir à la casa de Cultura. C’est un personnage ! Le concert commence à peu prêt à l’heure… Moyenne d’âge de la salle ? au-dessus de 60 ans… Mais ils sont mignons ces papis et mamis nostalgiques qui reprennent en choeur les boleros de leur jeunesse les yeux plein de souvenirs… Certains s’endorment aussi sur la balustrade, signe que le marchand de sable n’est pas loin de passer, d’autres ne peuvent s’empêcher de danser sur leurs chaises ou dans des petits coins. C’est le cas de A. qui ne tient tellement plus qu’elle vient inviter wanderlustdad…

Il lui avait promis une danse, impossible de se dérober. La chanteuse démarre un classique de Gilberto Santa Rosa quand elle vient le chercher. La vidéo de ce moment est un dossier classé secret défense, mais je peux t’en faire un petit résumé. Il joue les stars sur la piste avec une A. en folie, la moitié des spectateurs a sorti son portable pour filmer ce drôle de touriste à casquette, il a dû finir sur fesse de bouc c’est sûr ! Les moments comme celui-ci me laissent rêveuse… C’est tellement improbable. L’après-midi tu t’abrites sous un porche pour éviter de finir trempé comme une soupe et le soir tu finis par danser avec des gens que tu ne connaissais pas le matin même et que tu ne reverras jamais. La magie de la musique et des vacances !!!

À la fin du concert, on nous présente L. petite mamie, octogénaire, qui félicite wanderlustdad pour son déhanché alors que je l’ai vue danser sur de la rumba avec le charme toujours intact de ses 20 ans. Laisse tomber, moi je signe avec les mains, les pieds et même les trous de nez pour danser comme elle a son âge. Elle était tellement belle ! Légère ! Gracieuse ! J’ai toujours eu une affection particulière pour les visages marqués par le temps. J’ai passé nombreuses de mes vacances d’adolescente dans le Sud Italie à sillonner des villages perdus dans les montagnes à la recherche de ces petites mamies que l’on voit sur les cartes postales. J’en ai fait de nombreux portraits. Ce soir, mon appareil photo est resté à la casa, je suis dégoûtée, j’aurais tellement aimé ajouter la douceur du sourire et le swing de cette Mémé Rumbera à ma galerie. Tant pis de toutes façon, elle est gravée dans ma mémoire.

Cette nouvelle soirée, complètement improvisée a été totalement surréaliste, fera partie de nos meilleurs souvenirs de Cuba, de ces belles rencontres qui rendent les voyages uniques. On va donc se coucher tous un peu euphoriques.

Demain nous mettrons le cap sur Trinidad pour trois jours immergés entre nature et culture.

À bientôt 😉

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