Les femmes aussi sont du voyage par Lucie Azéma

Voilà un livre dont le titre m’a beaucoup intriguée quand je l’ai découvert lors de la Masse Critique Babelio de février destinée aux genres non fictif. J’ai toujours eu une affection particulière pour les récits de voyage et j’avais très envie de découvrir ce livre qui parle du voyage du point de vue des femmes. Je te propose sans plus tarder de découvrir le résumé de cet essai paru le 10 mars dernier chez Flammarion.

Quatrième de couverture

Pendant qu’Ulysse parcourt le monde et enchaîne les exploits, Pénélope demeure immobile, supporte l’attente, tisse et détisse son ouvrage, restant au passage fidèle à son époux. Quand l’homme part, la femme attend son retour. Les femmes étant historiquement des êtres captifs, le voyage est l’un des moyens les plus symboliques pour qu’elles s’affranchissent de leur condition : voyager est toujours pour la femme un acte fondateur ; c’est dire « je vais où je veux, je ne suis qu’à moi ». S’inspirant des histoires vraies de la littérature de voyage et de son expérience personnelle (dix ans d’arrivées et de départs), l’auteure évoque les territoires érotisés (comme le harem), dénonce la vision masculine de l’aventure et s’intéresse à la tension entre voyage et maternité. Lucie Azema le constate : il faut être libre « de » voyager et être libre « pour » voyager. Les femmes aussi sont du voyage s’adresse aux femmes qui sont déjà parties et à celles qui n’oseraient pas encore.

Mon avis

En ouvrant ce livre, je m’attendais à bien des choses : de l’aventure, de l’évasion, des histoires de femmes voyageuses. Pourquoi les femmes sont-elles les grandes absentes de la littérature de voyage ? Certaines, aventurières ont parcouru le monde, d’autres ont accompagné des expéditions. Et pourtant, il semblerait qu’elles soient invisibles, dans un genre littéraire largement dominé par des auteurs masculins. J’avoue humblement qu’avant d’ouvrir cet essai, je ne m’étais jamais trop questionnée sur ce point. Au fil des pages, Lucie Azéma, nous offre dans un premier temps une analyse de la place des femmes dans la littérature de voyage écrite par les hommes et nous propose une analyse de la figure de l’aventurier puis elle nous entraine à (re)découvrir à travers les étapes d’un processus de reconquête de la liberté, les figures d’autrices et de voyageuses.

L’autrice a vécu plusieurs années à l’étranger entre Iran, Inde et Liban. Elle aussi a connu les expériences et les déconvenues dont parlent celles qui ont pris la route seule avant elle. Elle nous livre ses ressentis, raconte son parcours tout en le liant à celui des grandes aventurières des XIXème et XXème siècles.

En effet, Alexandra David-Neel, Isabelle Eberhardt, Alexandra Tinné et bien d’autres accompagnent Lucie Azéma dans son argumentation. On chemine donc avec elles dans les espaces d’un monde qu’elles explorent, avec une autre sensibilité que celles de leurs homologues masculins. Le long de cette route, on constate à quel point il peut être difficile de sauter le pas, de se défaire des préjugés et de l’éducation. Une fois partie, le regard des autres voyageurs n’est pas toujours tendre sur ces dernières ce qui les conduits parfois à quelques mésaventures.

Il est aussi question de la place des réseaux sociaux en général et d’Instagram en particulier dans les nouvelles formes de récits de voyage. L’autrice y parle aussi de maternité, de choix et de renoncements, d’intimité. Si j’ai parfois trouvé quelques longueurs, j’ai trouvé le style de l’autrice plutôt plaisant. J’ai beaucoup apprécié de découvrir des récits d’exploratrices qui ne manqueront pas de venir enrichir ma pile à lire dans les mois qui viennent.

Je remercie encore Babelio pour cette jolie découverte.

Et vous ? Vous l’avez lu ? Il vous fait envie ?

À bientôt 😉

Luna de Serena Giuliano

Après avoir dévoré cet été, Ciao Bella et Mamma Maria, les deux premiers romans de Serena Giuliano, j’attendais avec impatience la sortie de son prochain bébé le 18 mars prochain. L’attente a toutefois été écourtée. Grâce à une opération exceptionnelle de Masse critique sur Babelio, j’ai eu le privilège de découvrir en avant première Luna. Pour cela, je tiens à remercier chaleureusement Babelio, les éditions Robert Laffont, ainsi que l’autrice, qui a eu la gentillesse de dédicacer les épreuves du roman. Prêts à embarquer pour Naples ?

Résumé

« Parfois, on pense trouver le soleil en août, mais c’est la lune qu’on trouve en mars. »

Luna arrive à Naples contre son gré : son père est gravement malade. Rien, ici, ne lui a manqué. Ses repères, ses amies, son amour sont désormais à Milan. Alors pourquoi revenir ? Pourquoi être au chevet de son papà, au passé trouble, et avec lequel elle a coupé les ponts ?

Mais Napoli est là, sous ses yeux : ses ruelles animées et sales, ses habitants souriants et intrusifs, sa pizza fritta, délicieuse et tellement grasse, son Vésuve, beau et menaçant…

Est-il seulement possible de trouver la paix dans une ville si contrastée ? Et si ce retour aux sources sonnait finalement l’heure de l’apaisement ?

Mon avis

Retrouver un roman de Serena Giuliano c’est un peu comme prendre un café avec une copine avec laquelle nous échangerions nos souvenirs de vacances dans le Sud de l’Italie. Dès les premières pages de Luna le ton est donné. Bienvenue à Naples, Napoli la bruyante, la désordonnée, celle qui dès votre arrivée tient à ce que vous n’ayez pas froid aux pieds, ni le nez qui coule en vous vendant à la sauvette des chaussettes et des mouchoirs en papier même par quarante degrés à l’ombre. Celle qui avec toute son exubérance vous accueille à bras ouverts tout en vous bombardant de questions plus vite qu’un tir de mitraillette. Après la côte Amalfitaine, c’est la capitale de la Campanie qui est mise à l’honneur dans ce nouveau roman.

Luna est avant tout un odi et amo, une plongée dans les sentiments contradictoires qui lient le personnage principal à la ville qui l’a vue naître et dans laquelle elle a grandi, mais aussi à son père. Un père qui a dû faire des choix douloureux pour faire face à la pauvreté et à la précarité qui touche massivement la ville. Malgré ses merveilles et les ressources dont elle dispose, malgré les années qui passent Naples reste la même, rongée par la corruption, la mafia et les petits trafics. Si la question méridionale était au coeur de Ciao Bella et l’immigration était le thème central de Mamma Maria. C’est la Camorra et le système de santé qui sont cette fois-ci en toile de fond.

La visite des amies de Luna venues de Milan pour un week-end est le prétexte à une découverte des merveilles de la ville qu’elles soient culturelles, naturelles ou gastronomique. En effet, dans les pas de Luna, on visite cloîtres, églises et autres galeries qui font la renommée de la ville pour les touristes. On se balade aussi sur la côte Amalfitaine. On admire sous toutes les coutures le Vésuve qui trône en majesté sur la baie de Naples et qui malgré sa beauté, représente une véritable menace pour la ville dont témoignent Pompéi et Hercolanum. Côté gastronomie, clairement, si tu es actuellement au régime, ce livre risque de mettre à rude épreuve ta volonté. Parmiggiana, babbà, sfogliatelle, pasta alle vongole, Serena Giuliano met un point d’honneur à rendre hommage à la cuisine traditionnelle napolitaine. La cuisine familiale faite avec amour pour les gens qu’on aime. Je crois qu’en lisant le bouquin, j’ai dû prendre à peu près cinq kilos…

Luna est un personnage drôle, dans l’humour et la répartie qu’elle peut avoir dans les conversations sur What’s app qu’elle a avec ses copines milanaises. Elle est aussi touchante dans sa façon de se replonger dans ses souvenirs. Retrouver sa chambre de petite fille, ses journaux intimes, sa cousine qu’elle a longtemps considéré comme une soeur ou une meilleure amie lui rappellent que tout dans cette ville et dans sa vie d’avant n’est pas à jeter aux orties.

Dans la galerie des personnages que nous propose l’autrice, j’ai aussi beaucoup aimé la sagesse de Filomena, l’humaine (parce qu’il y a aussi Filomena le chat, qui nous offre de grands moment de rire). J’ai beaucoup ri avec les prises de becs de Pasquale, le voisin de chambre du père de Luna, et sa femme la signora Anna. Cette dernière est aussi agaçante de principe qu’elle est adorable de dévotion envers les gens qui l’entourent. Face à l’adversité, elle trouve refuge dans la prière, dans les proverbes, dont elle abreuve Luna à chacune de ses visites et dans la nourriture, qu’elle essaie à tout prix de faire avaler à son mari pour qu’il reprenne des forces. Et puis il y a Gina, la cousine de Luna, qui a partagé ses joies et ses peines pendant toute son enfance et le début de son adolescence. Si elle n’a pas eu une vie facile, elle montre une belle force de résilience. Elle a perdu sa mère jeune, n’a pas fait d’études, elle enchaîne plusieurs boulots pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle cache son manque d’estime d’elle-même derrière un look coloré, voyant et excessif loin de l’image que l’on se fait de l’élégance à l’italienne et derrière un dévouement à toute épreuve à la famiglia. Et puis soyez attentifs, si vous avez lu les précédents romans de l’autrice, peut-être retrouverez vous quelques clins d’oeil glissés çà et là.

Comme dans les précédents romans, la musique est omniprésente. Le nom de la protagoniste est un clin d’oeil à une chanson des années 80. Pino Daniele et Gigi d’Alessio, les grands noms de la chanson napolitaine ne sont jamais loin. Mais la plus jolie des musiques qui apparait au fil des pages est sûrement celle du dialecte napolitain. Par des proverbes, des expressions populaires, il ponctue délicieusement le récit pour lui donner une touche d’expressivité et d’authenticité supplémentaire. Naples sans son dialecte ne serait pas vraiment Naples, n’en déplaise aux gens du Nord de la péninsule.

Voilà un roman qui se déguste de la même façon qu’une pizza fritta, rapidement et avec gourmandise… J’ai beaucoup aimé cette lecture qui m’a replongée dans des souvenirs de vacances. Les traits de caractères des personnages m’ont rappelé des rencontres que j’ai pu faire au cours de mes voyages dans le Sud de l’Italie. D’aucuns pourront croire qu’elle force gentiment le trait, mais si vous connaissez la région et ses habitants, vous retrouverez sûrement dans les anecdotes qui jalonnent ces pages un peu de votre vécu Je n’ai maintenant plus qu’une envie, que la situation sanitaire s’adoucisse et qu’il soit de nouveau possible de prendre la tangente pour retourner me perdre dans les ruelles de Spaccanapoli et déguster de la street food et des pâtisseries pleines de crème…

J’espère vous avoir donné envie de le lire, si c’est le cas, rendez-vous en librairie le 18 mars.

À bientôt 😉